La Promenade des glaciers

par | 28 Août 2010 | Alberta

Jasper, Jasper tout le monde les Cycl’aubertein descendent !

Au moins 1 heure après, tout le matos était en état de marche, ou plutôt de rouler. Et nous avec, car 3 jours de train ça énerve.

Nous profitons de l’après midi pour « visiter » la ville de Jasper, qui se résume à 2 ou 3 rues. Jasper ressemble à notre Chamonix en beaucoup plus petit, ville touristique, chicos, de haute montagne, rendez vous des Alpinistes ou peut-être des Rockinistes, et des skieurs.

Encore un petit tour à la bibliothèque pour imprimer de nouveaux exercices, car les enfants en ont marre de travailler sur une seule matière à la fois, passage au centre d’informations qui est un lieu stratégique pour nous, puis après avoir longuement considéré les cartes routières, nous passons au supermarché pour nous approvisionner sur au moins 3 jours, de toutes façons on ne peut pas bien en prendre plus. Puis direction le camping le plus proche pour notre première nuit dans les Rocky Mountains. Jasper est en bordure du Parc National de Jasper, un des plus grands du pays, et apparement les animaux sauvages dont les ours ne sont pas loin. D’ailleurs on nous le fait bien savoir, avec des panneaux on ne peut plus clairs sur les dangers encourus. Nous mettons consciencieusement nos provisions dans des gardes manger à l’épreuve des ours et ne gardons rien près de nous qui pourrait les attirer. Au réveil, le lendemain matin, ce sont des caribous qui déambulaient au milieu des tentes. Moment solennel, où tous les campeurs avaient dégainé leur appareil photo et se déplaçaient en silence autour des spécimens.

Ça y est, nous nous attaquons enfin à une des dix plus belles routes du monde, qui passe au travers de deux grands parcs nationaux et qui nous fera grimper à deux reprises à plus de 2000 m d’altitude.

Certains mettent 2 ou 3 jours, il nous en faudra bien plus que ça. Première surprise après juste 2 km : un poste de péage nous « accueille » pour emprunter cette route. Conversation en anglais entre la madame du parc et moi :

« C’est payant aussi pour les bicycles ? »
« Oui, c’est 20$ par jour pour la famille »
« Ah ben à l’Est on nous a laissé passer dans les parcs car on était à vélo ! »
« Vous payez pour combien de jours ? »
« Ben, je sais pas, on ne connait pas d’avance notre kilométrage des prochains jours… »
« Vous prenez 1 jour et vous payerez aux gardes les prochains ? »
« Ok, on va faire comme ça ! … ;-)) « 

On verra bien si on nous réclame quelque chose, faut pas abuser, on ne l’use qu’une fois leur route, on ne pollue même pas le parc, voire même on absorbe une partie de la pollution des véhicules. Y’a juste qu’on va ben ben plus doucement et qu’on risque d’user bien plus les sapins, les glaciers ou les éventuels animaux rencontrés du regard.

Pour finir, personne ne nous a rien réclamé, même un garde originaire de Briançon (Jean-Raoul) avec qui on a tapé la causette 3 jours d’affilés.

La route est belle, large, bon accotement, une véritable autoroute de montagne normalement interdite aux camions (heu, on en a vu passer quelques uns…). Ça monte mais ce n’est pas trop dur. Nous sommes entourés de montagnes et de forêts à perte de vue, il n’y a personne, aucune habitation, bref c’est sauvage et nous sommes là pour quelques jours.

D’après notre carte, il y a suffisament de campings pour ne pas avoir à faire de trop grosses journées. Les campings sont tous en auto-registration dans les parcs. C’est simple, il suffit de mettre l’argent dans une enveloppe, et l’enveloppe dans une urne. C’est pas cher, mais c’est sommaire : toilettes sèches, pas de douche y’a toujours le torrent pas loin et l’eau y est fraiche en provenance directe des glaciers et le matin ça réveille, une citerne d’eau potable et, très important pour la suite, un abri avec des tables et un poële à bois. Les ours ne sont pas loin, et les poubelles sont à ouverture intelligente (y a qu’un humain qui peut les ouvrir !), et tout ce qui peut avoir une odeur doit être mis dans les casiers prévus à cet effet (alimentation, savon…).

En ce premier jour de grimpette, nous montons doucement mais sûrement, nous profitons encore un peu du soleil, mais nous savons que le mauvais temps arrive, et là on va vite comprendre qu’on est au Canada dans les Rocheuses ! Dès le lendemain la pluie est bien froide, nous regrettons les dernières averses rafraichissantes de l’Est. Sans soleil, la vaisselle et la toilette à la rivière nous font moins rire. Mais… voilà que les poëles à bois dans les abris prennent tout leur sens et nous en abusons sans remords. Certains campeurs ont pu apercevoir une brochette d’Aubertein se faire rôtir autour du feu.

Au matin du 3ème jour, la neige est juste au dessus, et nous prenons la route emmitouflés. Nous n’espérons qu’une chose, qu’il y ait des montées pour que l’on puisse se réchauffer (ils sont fous ces Aubertein !). Nous avançons dans la tempête mi-pluie, mi-neige, les doigts de Thomas sont à réchauffer tous les 2 kilomètres et Julie trouve que c’est le meilleur moment pour crever. Évidemment, nous sommes à mille lieues de penser qu’on est sur une des plus belles routes, de toutes façons on ne voit rien à part les nuages.

Au cours de la journée, le soleil fait quelques timides apparitions, et nous laisse apercevoir quelques morceaux de sommets et de glaciers. Ça a l’air grandiose, en particuliers le Columbia Icefield juste avant de passer notre premier col à plus de 2000 m d’altitude le Saunwapta Pass. L’endroit est très touristique, et on aperçoit au loin sur le glacier des sortes d’engins rouges, genre véhicules lunaires, qui promènent les touristes pour un baptême sur glace. Nous on se contente d’un chocolat chaud à un prix exhorbitant. Nous nous arrêtons un peu plus loin, au camping Wilcox, toujours le même principe, auto-registration, confort minimum. Nous sautons sur un abri libre et nous finissons la journée autour du feu avec une bonne soupe chaude. C’est la fin des provisions et il nous faut absolument rejoindre Saskatchewan River Crossing à 60 bornes de là, demain, où il y aurait un ravitaillement.

Au matin, il fait autour de 0°C. On a beau être habillé comme en hiver, pas moyen de se réchauffer, d’autant plus de ça descend. Et ça descend fort, 600m plus bas on a toujours aussi froid, on divise comme on peut nos restes et on râle car faudra bien les remonter les 600 m perdus ! Plus tard, notre arrivée à Saskatchewan River Crossing ne se fait pas incognito. Mais malgré toutes les sollicitations, personne ne nous invite à passer la nuit ou nous propose de nous téléporter jusqu’au prochain camping, 20 km plus loin… Le Motel est vraiment trop trop cher et nous sommes obligés de rebrousser chemin sur 10 km pour rejoindre le camping de Rampart Creek. Entre temps, nous avons fait quelques courses à prix d’or au snack pour subsister jusqu’à la ville prochaine et les filles ont causé avec Marie-Linda qui passait par là et qui nous propose de s’arrêter à Cochrane, juste avant Calgary.

Cette fois, l’abri est bien grand, et nous partageons la chaleur du poële avec des cyclistes, tous européens. C’est la fête, ça cause allemand, anglais, français, espagnol. Tout le monde se raconte son périple, et se donne rendez vous plus loin sur la route du sud, sauf les deux filles allemandes qui rentrent bientôt. Toujours le même temps pourri, humide et froid pour continuer. On ne voit rien des merveilles que l’on est censé voir. Ça ne nous motive pas beaucoup mais il faut avancer, car nous n’avons pas plus d’une journée de nourriture.

Nous rencontrons Denis, un Québéquois rigolo, qui fait diversion dans notre pénible avancée. Il est muni d’une corne pour faire peur aux ours, d’un grigri, de plumes d’aigles porte-chance, d’une mascotte, d’un filet à papillons (ou à poissons ?) et plein d’autres choses. Il sort de sa collec’ des plumes d’aigles qu’il offre aux enfants en guise de porte-bonheur et nous tient compagnie jusqu’à ce que nous nous arrêtions au camping Waterfowl Lake, lui continue en direction du prochain col. Nous préférons garder pour le lendemain la grimpette à plus de 2000 m d’altitude et la descente sur Lake Louise. Waterfowl Lake doit être joli, mais là c’est lugubre. Il pleut, camping sous les arbres, c’est sombre. Je commence à en avoir marre de ce temps, on est passé un peu tard dans la saison…

Peu après avoir démarré le lendemain, nous rencontrons à nouveau Denis, il est redescendu du col (où la veille il a planté la tente sous la neige) pour pouvoir nous escorter. Il est inquiet pour les enfants car ça monte vraiment fort. Nous voilà donc en file indienne à 7, à l’assaut du Bow Pass (2063m) que nous atteignons 2 heures plus tard. Thomas est un vrai champion, Denis n’en revient pas ! Pour marquer le coup, il souffle dans sa corne qui résonne dans les montagnes tout autour. Et nous ne pouvons pas passer à côté du lac Peyto, le plus bleu des Rocheuses sans le voir. Nous nous attaquons alors à 100m de dénivelé supplémentaires. Pic-nic en haut, très rapide car la neige arrive à gros flocons. La journée n’est pas terminée, nous avons encore au moins 50 km à faire pour arriver à Lake Louise. Pas le choix, il ne nous reste que quelques gâteaux pour le goûter. La route est belle, et la température s’améliore un peu dans la descente, mais nous sommes fatigués. En arrivant sur Lake Louise, nous rejoignons la highway en travaux et dans le traffic. Tout d’un coup, un tunnel bien sombre et apparition inexpliquée d’une grosse pierre au milieu de ma voie : me voilà par terre à moitié sous le chargement du vélo, je suis passée par dessus bord. Grosse frayeur, mais ça peut aller, nous arrivons à 19h au village, suffisament tôt pour faire quelques courses à la supérette.

Nous nous installons au camping avec Denis, et nous decidons de faire grève de vélo tant qu’il n’y aura pas de soleil !

MC